Houblon, Production de bière, Techniques

Le Dry Hopping, on vous dit tout (ou presque!)

Le Dry Hopping ou houblonnage est une expression que l’on entend et utilise beaucoup lorsqu’il est question de bière artisanale. Allons y voir de plus près, histoire que cela vous donne aussi des idées, peut-être 😉

Article écrit en collaboration avec Alexandra Berry

Vue d’ensemble

Comme chacun sait (sisi ;-)) le houblon est composé d’huiles essentielles qui apporte l’aromatique, et d’acides alpha qui une fois isomérisés donnent l’amertume à la bière. Cette isomérisation se fait à une température de plus de 85°. Ainsi, plus le houblon est ajouté tôt dans l’ébullition, plus il va conférer de l’amertume. Or, il possède des composants tels que des terpènes et hydrocarbures comme le linalool, le myrcène, l’humulène ou le geraniol qui s’évaporent lors de l’ébullition. Le myrcène est l’huile essentielle la plus abondante dans le houblon, pouvant atteindre les 60% de la composition chimique de la glande, et la plus susceptible d’être impactée par une ébullition trop longue. Chacun de ces composants confère des arômes particuliers au houblon que l’on retrouve dans le produit fini maîtrisé. Ajoutés trop tôt à l’ébullition, ils n’auront aucun impact aromatique sur le brassin. Par contre, ajoutés dans un brassin refroidi en fermentation, ces arômes sont sublimés et s’extraient facilement au contact du liquide.

Le dry-hopping est une technique qui consiste donc à rajouter les houblons après l’ébullition c’est-à-dire durant la fermentation ou à la mise en fût. Cette courte mise en contact avec la bière permet d’extraire les arômes sans en tirer trop d’amertume ou d’astringence. Le dry hop peut durer quelques jours à une température variant entre 4 et 20°. Il est conseillé de procéder à une agitation une fois par jour afin de favoriser l’extraction des composants.

Pour autant, il est possible d’exploiter un houblon au taux d’alpha acide élevé lors d’un dry hop à chaud. Cela permettra d’isomériser les acides pour rajouter de l’amertume, tout en dévoilant les aromatiques du houblon.

Il faut garder en tête également que lors d’un dry hop, les levures sont encore actives dans les cuves de fermentation et peuvent transformer les composants houblonnés. Le brasseur doit ainsi décider s’il souhaite conserver ou retirer les levures avant son dry-hopping.

Il n’y a pas de restrictions ou de recettes à suivre pour faire ce houblonnage à cru ; c’est à la créativité du brasseur d’imaginer quel type de bière il souhaite obtenir et quels arômes il cherche à souligner. En effet, pour contrôler son dry hop, le brasseur doit connaître les caractéristiques chimiques de la variété choisie (ses composants aromatiques et son taux d’alpha) mais aussi son lieu d’origine, sa date de récolte, ses températures idéales d’isomérisation…

La technique s’adapte également en fonction du type de matériel de la brasserie et des quantités brassées. C’est d’ailleurs une technique qui semble faite pour les microbrasseries : plus le houblon est en contact avec le liquide, plus il pourra y transférer ses composés aromatiques. Ainsi, elle est donc parfaitement adaptée aux petites cuves.

La levure en suspension peut cependant métaboliser l’oxygène dissout, permettant de préserver la bière de l’oxydation.

Forme du houblon

Le houblon utilisé pour le dry hop peut se présenter en cône ou en pellet (voire même en extrait) :

  • Le cône offre une extraction naturelle mais il aura tendance à flotter à la surface en absorbant plus de moût. Ainsi, lors de la filtration, la perte de liquide est assez conséquente (environ 7%).
  • Les pellets vont se dissoudre ce qui entraîne une meilleure extraction de ses composants. Par contre, ces derniers peuvent venir troubler la bière si un cold crash – comprenez un refroidissement rapide – n’est pas effectué après le dry hop.

Pour le dry hop, c’est généralement le pellet qui est préconisé. Le houblon ayant été déjà écrasé, sa lupuline se mêle facilement au liquide pour une meilleure extraction aromatique.

L’extraction est d’ailleurs entre 5 et 10% plus efficace avec le pellet que le cône.

Quelle que soit sa forme, il peut être contenu dans un sachet à houblon, un Hop Tube ou ajouté directement au moût. Le sachet permet de retirer tout le houblon facilement, mais limite l’extraction et le contact des composants avec le liquide (sans parler du fait que ce sachet devient très lourd à sortir trempé de la cuve lorsque l’on passe sur de grosses quantités).

Source: Anchor Brewing Company

Différentes techniques de Dry Hop

Durée du Dry Hop

L’extraction des composés durant le houblonnage à cru dure entre 1 et 3 jours. Plusieurs études réalisées démontrent que la plus grosse extraction se fait dans les 24 à 36 heures. Ainsi, le houblon peut infuser entre 3 et 5 jours mais il est déconseillé de le laisser plus longtemps, risquant de donner un goût herbacé à la bière.

La température idéale est comprise entre 10 et 14° pour éviter le hop creep.

Hop Creep : lorsque les houblons libèrent des enzymes qui hydrolisent les dextrines. Cette transformation produit des sucres fermentescibles, appelé sur atténuation. Ceci entraîne un défaut au niveau du goût, la modification de la teneur en alcool, et surtout la création de CO2. Le mieux est de garder le contact des houblons avec la bière pendant 3 jours  à une température d’environ 10°.

Dry Hop à chaud : première fermentation

Un dry hop à chaud consiste à rajouter ses houblons en fin d’ébullition, dans une bière à environ 19°. Dans ce brassin, les levures sont encore actives et se nourrissent des sucres extraits des houblons entraînant ainsi une fermentation. Le pH, le taux d’alcool et la densité de brassin seront donc modifiés en conséquence, en plus de voir une plus grande concentration des composants houblonnés et une augmentation du taux d’acide alpha (et donc de l’amertume perçue).

Cette fermentation primaire s’accompagne d’une agitation et d’une production de CO2. Les deux auront un impact sur l’évaporation des huiles essentielles et entraîneront une perte d’arômes.

Dry Hop à froid : seconde fermentation ou garde

Pour extraire et sublimer l’aromatique d’un houblon, il est plutôt conseillé de pratiquer le houblonnage à cru en fin de fermentation secondaire, ou autrement dit la période de garde.

Une fois le houblonnage terminé, il est conseillé de faire un cold crash, qui consiste à faire baisser la température pour une garde à froid. Les particules en suspension dans le brassin tomberont au fond de la cuve afin d’obtenir un liquide clarifié.

Il est conseillé de faire un cold crash de 2-3 jours à une température d’environ 3° avant de passer au conditionnement.

Dry Hop statique

Le Dry Hop statique désigne le fait d’ajouter simplement les houblons dans la cuve de fermentation. L’agitation se faisant généralement à la main, cette technique réduit le temps d’extraction mais implique un contact avec l’air et donc favorise l’oxydation des houblons. Ceci peut entraîner une extraction des polyphénols et donc des arômes plus herbacés et astringents. Pour éviter cela, certaines cuves permettent l’ajout de houblon par le fond ce qui permet le contact avec le liquide sans risque d’oxydation.

Source: Saint Arnold Brewing Company

Dry Hop Dynamique

Inventé dans les années 2000s, le dry hop dynamique fait circuler la bière entre la cuve de fermentation et une unité externe contenant un filtre. Celui-ci peut être tangentiel ou à plaque, dans lequel est mis le houblon. La circulation de la bière entre les deux unités permet de favoriser l’extraction, le houblonnage et les quantités de houblons requises (-50% par rapport au statique).

Hop Gun

L’utilisation du hop gun est préconisé pour les cuves traditionnelles car l’ajout de houblon se fait par CO2. Ceci permet de chasser l’oxygène résiduel et de conserver tous les arômes. Cependant cet ajout de CO2 peut engendrer l’augmentation de la mousse dans le produit fini.

Source www.czechminibreweries.com

Iso-Mix External Drive

En 2017 est créé le ISO-MIX EXTERNAL DRIVE ; un mélangeur rotatif à jet qui se place sous la cuve. Il permet ainsi une dispersion des solides avec une suspension homogène des houblons dans la cuve. Cela réduit les doses requises de 20% et le temps de houblonnage de 15%. Au vu du coût et de son fonctionnement, il intéressera davantage les grosses brasseries avec des cuves conséquentes et des capacités de 100HL.

Mises en garde

Le houblonnage à cru, bien qu’utilisé pour aromatiser la bière, peut cependant augmenter l’amertume perçue et l’amertume mesurée du brassin par la transformation de ses composants. Le houblon est une plante amère, et tout apport de houblon apporte aussi de l’amertume 😉

Un dry hop favorise parfois la création de mousse et mal maîtrisé peut donner lieu à un gushing, vous savez, lorsque la bière jaillit partout comme une fontaine houblonnée !

Dry Hop, Double Dry Hop, Triple Dry Hop…

Donc nous l’avons compris, le dry hop consiste ainsi à ajouter du houblon dans le brassin après son ébullition mais avec la mode des IPAs et des houblons aromatiques américains ou néo-zélandais, nombreux sont les brasseurs qui vont beaucoup plus loin.

Comme évoqué, il est tout à fait possible de faire un houblonnage pendant la première fermentation afin d’ajouter encore un peu d’amertume et faire ressortir l’aromatique d’une bière, avant de procéder à un second houblonnage lors de la garde, avant le cold crash, afin de ne souligner que les arômes. Pour ce second houblonnage, des variétés avec des particularités très puissantes sont mises en avant : Nelson Sauvin, Sorachi, Sabro, Citra® ou Motueka entre autre.

Pour un triple dry hop, pas étonnant, il faut procéder à trois stades de houblonnage. Le dernier peut se faire juste avant le conditionnement.

Chaque brasseur trouvera sa technique préférée selon le profil aromatique qu’il recherche, le matériel dont il dispose et les variétés de houblons choisies. Avec l’expansion des recherches et innovations sur le houblon, les recettes se démultiplient et nous permettent de découvrir tous les jours de nouvelles saveurs dans nos verres.

Pour en savoir plus…

Janis, S., (2019), The New IPA: Scientific Guide to Hop Aroma and Flavor, ScottJanish.com. 

Hieronymus, S., (2012), For the Love of Hops, The Practical Guide to Aroma, Bitterness and the Culture of Hops, Brewers Publication.

Steele, M., (2012), IPA Brewing Techniques, Recipes and the Evolution of India Pale Ale, Brewers Publications, Boulder, Colorado.

https://wildabouthops.nz/dry-hopping-beer.html

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