Houblon, Production de bière, Techniques

Les différentes techniques de houblonnage dans la bière

Article écrit en collaboration avec Alexandra Berry

Le houblon est un des quatre éléments indispensables pour créer une bière. Non seulement conférant l’amertume et les divers arômes que l’on peut retrouver dans nos verres, cette petite plante a des vertus conservatrices qui ont grandement contribué au développement de la bière au cours des siècles.

Une fois récolté, le houblon est séché et conditionné au frais pour permettre sa bonne conservation, souvent pelletisé. La pelletisation consiste à concasser les houblons secs pour en produire une poudre aux aromatiques et acides homogènes avant d’être mis en pellet. Les deux formes de houblon peuvent convenir au brassage, bien que le pellet soit largement privilégié par les brasseurs aujourd’hui. En effet, le pellet permet une constance en termes d’amertume et d’arômes sur les brassins, un contrôle précis de l’IBU (International Bitterness Unit) et du rendement aromatique, ainsi que moins de perte. Bien que le cône confère généralement des huiles plus fraîches et puissantes que le pellet (à condition d’être utilisé dans les heures suivant sa récolte), la perte de bière lorsque celle-ci est filtrée à travers les fleurs est tout de même d’environ 6%.

Houblon en cône, Belgique. Source: HOPSTORE

Il existe ensuite plusieurs types de pellet : le T-90 et le T-45. Identiques dans leur fabrication et dans leur conditionnement, le T-45 est plus concentré en lupuline. En effet, après avoir été moulu, les houblons sont tamisés à -35°C ce qui leur ôte leur matière végétale et ne laisse qu’un concentré d’huiles essentielles. Ceci permet d’augmenter les acides alphas en réduisant la matière utilisée. Cela implique moins de matière première, moins de déchets lors de la filtration du brassin pour le même résultat aromatique. Ces pellets sont cependant plus rares sur le marché et plus onéreux.

Certains brasseurs ont également eu recours à l’extrait de houblon, un processus d’extraction breveté par J. R. Whiting en 1875. Egalement nommé CO2 Hop Extract, c’est une résine produite par extraction CO2 du houblon qui concentre ses huiles essentielles. L’intérêt est de réduire encore plus les pertes de matière pendant le brassage, de mesurer avec exactitude l’aromatisation et le taux d’IBU ainsi que de réduire les besoins de stockage et transport. On s’éloigne ici encore davantage de la matière première avec un procédé de transformation relativement énergivore.

Bref, à chacun de faire ses choix 😉

Quelques techniques de houblonnage utilisées

Quelle que soit la forme du houblon choisie, plusieurs techniques de houblonnage sont possibles selon les arômes et la recette que veut créer le brasseur. Chaque détail viendra influencer la recette finale : la variété et les quantités bien sûr, mais également la température, les temps d’ébullition et de fermentation…

Mash Hops 

Cette technique consiste à ajouter les houblons directement dans le moût (l’orge chauffée à l’eau) dans la cuve matière. En mettant le houblon aussitôt, ses huiles se solubilisent dans la matière et cette technique permet de développer un équilibre aromatique. L’amertume sera plutôt timide mais les aromatiques seront soulignées dans le produit fini. Cependant cela nécessite une grande quantité de houblons et beaucoup de pertes sans obtenir trop d’impact aromatique sur le brassin. Pour les brasseurs souhaitant la tester, il est conseillé de faire un houblonnage amérisant par la suite.

Ajout du houblon dans le moût

First Wort Hopping (Houblonnage du premier moût, pré-ébullition)

Technique traditionnellement allemande, le First Wort Hopping  consiste à ajouter les houblons dans le moût chaud (environ 70 à 80°) lorsque celui-ci est filtré et transféré en cuve d’ébullition. Tandis que la cuve se remplit du moût, les houblons vont s’en imprégner à une température modérée. Ils peuvent alors diffuser doucement leurs huiles essentielles sans qu’elles ne s’évaporent complètement. Cette technique permet également de solubiliser ces huiles dans le moût afin de les conserver pendant la phase d’ébullition, durant laquelle l’amertume du houblon sera obtenue. Cette amertume sera moins agressive en bouche qu’un houblonnage classique avec une complexité aromatique plus soulignée. Les houblons de type nobles, ou souvent appelés « finishing hops » aux caractéristiques très aromatiques sont privilégiés pour cette technique, pour leurs profils intéressants et leur taux d’acide alpha faible.

Les effets du First Wort Hopping sont similaires à ceux d’un dry-hop (cf plus bas), soulignant les aromatiques sans développer l’amertume, souvent utilisé pour brasser une Pils ou pour souligner un profil aromatique d’une IPA.

Boil Hopping (Houblonnage) 

Il existe trois type de houblonnage : le bitter hopping, le aroma hopping et le continuous hopping.

La méthode conventionnelle pour le houblonnage amérisant est de les ajouter au début de l’ébullition pour une isomérisation des acides alphas (ce sont ces acides qui vont donner l’amertume). Plus le houblon est ajouté tôt pendant l’ébullition, plus son amertume sera favorisée au détriment de son aromatique car les huiles essentielles s’évaporent.  

Le temps d’infusion dépendra du taux d’IBU souhaité mais également de la variété de houblon, généralement compris entre 60 et 90 minutes. Ce sont donc des houblons aux taux d’acide alpha élevés qui sont préconisés pour ce type de houblonnage.

Entre en jeu le aroma hopping, consistant à privilégier les arômes plutôt que l’amertume. Souvent en complément d’un premier houblonnage, il s’agit d’ajouter des houblons aromatiques faibles en acide alpha dans les 10 à 15 dernières minutes de l’ébullition afin de préserver les huiles essentielles. Pour cela, vous l’aurez compris, les houblons aux propriétés aromatiques sont particulièrement favorisés.

Enfin, le continuous hopping, houblonnage en continu, qui préconise l’ajout de petites quantités de houblon tout au long de l’ébullition. Cela permet de souligner à la fois l’amertume et l’aromatique d’un houblon. Généralement, cette méthode est appliquée dans les 40 dernières minutes de l’ébullition et peut s’adapter à tout type de houblon, de temps d’ébullition et de quantités, selon le résultat que souhaite obtenir le brasseur.

La 60min IPA de Dogfish Head est une des premières bières à adopter la technique du houblonnage en continu, créée par Sam Calagione

Post-boil Hopping (Houblonnage Post Ebullition)

Il y a plusieurs façons de procéder à un houblonnage post ébullition.

La première est le Flame-Out, également appelé late hopping (houblonnage tarif) et consiste à ajouter les houblons lors de la fin de l’ébullition, lorsque l’eau est encore chaude (plus de 70°C), ce qui assure l’extraction et la survie des huiles essentielles. Les houblons y sont laissés une quinzaine de minutes pour permettre l’extraction des arômes pendant le refroidissement du moût.  On y retrouve ainsi les arômes floraux et fruités qui sont recherchés dans certaines variétés. Il est possible d’utiliser des houblons amérisants en grande quantité également afin d’obtenir une amertume souvent plus douce dans la bière finie.

La deuxième est pendant le Whirpooling (technique de centrifuge de la bière afin de concentrer les dépôts au centre de la cuve pour les filtrer) : une fois que la température du brassin a baissé pour se situer entre 60 et 80°C, température idéale pour favoriser l’aromatisation. Egalement appelée le Hop Stand, cette technique permet l’extraction maximale des arômes des houblons, particulièrement les huiles aromatiques appelées myrcènes. Ce sont ces huiles qui vont donner à la bière des arômes d’agrumes et de fruits tropicaux. Le brasseur peut également avoir recours à un hopback,  qui est un contenant à houblon que l’on branche en série entre la sortie de la cuve et le refroidisseur. Le moût encore chaud est ainsi infusé par les houblons à la sortie de la cuve et reçoit des arômes et huiles essentielles frais juste avant sa fermentation.

La dernière méthode, et probablement la plus connue de nos jours, est le dry hopping, ou houblonnage à cru. Pour un houblonnage à cru, le brasseur ajoute les houblons directement dans la cuve de fermentation. Une fois encore, il peut choisir de les ajouter en début ou en fin de fermentation selon ses préférences. Cela permet donc d’extraire tous les arômes des houblons sans l’amertume et c’est une technique particulièrement utilisée pour obtenir des IPAs très florales ou fruitées. Ce dry hopping a lieu généralement durant 4-5 jours à une température de 15° avant de passer au cold crash, un refroidissement pendant 2 à 3 jours.

Enfin, il est également possible d’houblonner son brassin pendant la phase de resucrage (pour créer du CO2 dans la bière), et donc juste avant l’embouteillage ou l’enfûtage. Ceci entraîne une fermentation sous pression ce qui préserve au mieux les huiles essentielles du houblon – et ainsi toute leur aromatique !

Ainsi, chaque technique aura son impact sur le rendu final du brassin. Cela dit, tout brasseur peut s’amuser et expérimenter avec les variétés, les temps de fermentation ou même la forme de houblon utilisée ! Avec de nouvelles variétés créées sans cesse, les possibilités de houblonnage sont infinies et promettent une découverte gustative à chaque gorgée.

Pour en savoir plus :

Acitelli, T., (2013), The Audacity of Hops, Chicago Review Press Inc., Chicago.

Brown, P., (2017), Miracle Brew, Chelsea Green Publishing.

Hieronymus, S., (2012), For the Love of Hops, The Practical Guide to Aroma, Bitterness and the Culture of Hops, Brewers Publication,

Mosher, R. (2004), Radical Brewing: recipes, tales and world-alterating meditations in a glass, Brewers Publications, Division of the Brewers Association, United States of America.

Steele, M., (2012), IPA Brewing Techniques, Recipes and the Evolution of India Pale Ale, Brewers Publications, Boulder, Colorado.

www.homebrewersassociation.org

www.univers-biere.net

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