Cônes, Pellets, Huiles, Extraits

Cônes, Pellets, Huiles… quel meilleur choix pour ma bière ?

Cône Pellets Huiles : Sous quelle forme utiliser le houblon BIO ?

Il existe à présent maintes formes de houblons pour brasser, entre le cône, les différents pellets et de plus en plus en forme liquide… Alors comment choisir le houblon pour son brassage ?

Article écrit en collaboration avec Alexandra Berry

Le Cône

Le cône est encore privilégié par quelques brasseurs qui souhaitent garder un produit 100% naturel et qui reprochent au pellet de dénaturer le produit initial et ses huiles.

Houblon frais

Pour rappel, une fois récolté, le cône peut être séché ou utilisé directement, comme c’est le cas pour les bières de récolte par exemple, brassées directement avec le houblon de la saison. Dans ce cas on peut parler de « fresh hop » ou encore « wet hop ». Cela implique “simplement” une logistique importante et précise. Car les houblons doivent être utilsés quelques heures seulement après la récolte afin de perdre le moins d’huiles essentielles possibles et garantir une extraction optimale des saveurs et des arômes.

Houblon séché

Plus généralement, brasser avec du cône – à condition de nouveau que celui-ci ait été récolté et séché convenablement – permet en effet de conserver au maximum les huiles essentielles du houblon qui va infuser la bière comme le ferait un sachet de thé.

Cependant, cette petite plante va également absorber beaucoup de liquide, à la manière d’une éponge, et entraîne des pertes conséquentes sur les volumes de bière finaux.
De plus, bien que plus « naturel », chaque cône ne contiendra pas les mêmes taux d’huiles essentielles, d’alpha acides, et donc ne saura pas uniformément aromatiser et amériser les brassins. Le houblon sera le reflet direct de son terroir – mais donc également de sa climatologie, de sa récolte et de sa conservation. Il sera donc plus compliqué pour le brasseur de prédire le résultat final de son brassin.

Enfin, le cône étant plus gros et protégé que le pellet, le contact entre le liquide et les huiles essentielles de la fleur est réduit. Ceci implique une plus longue extraction et isomérisation des acides alphas. Par contre, ses huiles étant davantage préservées, le cône peut être privilégié pour le houblonnage à froid (Cf notre article sur le Dry Hopping), permettant de capter ses essences volatiles sans créer d’amertume ou d’astringence.

Nino Bacelle, chef brasseur de la Brasserie De Ranke, ne jure que par le cône. Il a conçu lui-même sa cuve d’ébullition pour conserver les cônes en bas du tank pour filtrer naturellement et perdre le moins de bière possible dans le processus.

Innovation

Frozen Fresh Hops

En 2021, Yakima Chief a proposé une nouveauté aux brasseurs à travers le monde : du cône congelé à la récolte. Ce conditionnement a été conçu pour permettre de conserver tous les arômes du houblon frais, préservés en température négative, et d’obtenir un brassin frais et le plus « naturel » possible. De plus, des brasseurs français ont ainsi pu brasser avec des houblons américains tels que du Citra, de l’Amarillo ou autre, fraîchement récoltés.

Outre le gros problème écologique que pose ce format (transporter des houblons congelés d’un continent à un autre, Hum), les brasseurs ont également été confrontés aux inconvénients du cône, avec des problèmes de filtration et une fragilité importante des fleurs.


Source : https://www.prnewswire.com/news-releases/

Le Pellet

Le pellet, bien qu’encore critiqué par une minorité de brasseurs, offre d’incontestables avantages.

Pellet adoré

En plus d’être plus compact et facile à stocker, il permet une exactitude du résultat souhaité lors du brassage. Les houblons ayant été séchés et broyés tous ensemble avant d’être mis en pellet, cela permet de mesurer le taux d’IBU et les rendements des huiles essentielles dans le brassage avec bien plus de précision. Chaque cône de houblon contenant des huiles et des concentrations végétales différentes, leur broyage et assemblage permet une homogénéisation du rendement. Le broyage sert également à ouvrir les glandes de lupuline pour faire ressortir ces huiles. Mais attention et comme vous le savez, ceci implique cependant qu’un pellet laissé à l’air libre s’oxyde plus rapidement qu’un cône séché (donc on referme bien son sac de pellets entamé ).

Cependant, dans les années 1980, Sierra Nevada a voulu tester l’impact des pellets sur le processus de brassage et notamment voir si les consommateurs sentiraient la différence. Ils brassèrent donc la moitié de leur Celebration Ale avec des cônes entiers, et l’autre avec des pellets. Même à l’aveugle, tout le monde préféra la version avec les cônes entiers, jugée plus fraiche et florale. Sierra Nevada est d’ailleurs la première brasserie à commercialiser une bière faite avec des houblons uniquement américains : en 1981, Grossman et Camusi brassent la Sierra Nevada Pale Ale. Les Etats-Unis se font ainsi une place sur la carte du monde brassicole avec des innovations mais également une redécouverte de leur terroir.

Différents types de pellets

Il existe ensuite plusieurs types de pellet : le T-90 et le T-45. Identiques dans leur fabrication et dans leur conditionnement, le T-45 est plus concentré en lupuline. En effet, après avoir été moulus, les houblons sont tamisés à -35°C ce qui leur ôte leur matière végétale et ne laisse qu’un concentré d’huiles essentielles. Ceci permet d’augmenter les acides alphas en réduisant la matière utilisée. Cela implique moins de matière première, moins de déchets lors de la filtration du brassin pour le même résultat aromatique. A noter, le format T-45 généralement plus onéreux ne se trouve pas sur toutes les variétés de houblons. En houblon bio, nous n’en n’avons d’ailleurs jamais croisé jusqu’à ce jour.

Innovation

LUPOMAX™

Le LUPOMAX™ est une innovation de John I. Haas : un pellet avec des essences de houblon et de la lupuline en quantités plus concentrées, sans les saveurs astringentes indésirables que l’on peut trouver avec une surcharge de houblons (sensation surnommée le hop burn). Créés afin de contenir la même concentration de lupuline et d’huile myrcène dans chaque pellet, ils permettent de donner une consistance aux brassins, avec un meilleur rendement. Une fois de plus, moins de pellets signifie moins de pertes, que ce soit de la matière filtrée ou de la bière absorbée.

Idéalement ces houblons sont ajoutés lors de l’ébullition dans le whirlpool, mais ils peuvent également être utilisés pour un dry-hop, ou encore durant la phase de fermentation.

Source : https://yakimavalleyhops.com/

Le Houblon Cryo

Du grec « Kryos » qui veut dire gel, le Cryo Hop, également appelé LupuLN2®, est un pellet aux arômes deux fois plus concentrés que le T-90. Parfois aussi disponible sous forme de poudre, il est produit à partir d’une extraction des huiles essentielles contenues dans le cône plongé dans du nitrogène liquide (cryogénisé) afin de préserver toutes les aromatiques sans risque d’oxydation. Offrant 50% de plus de rendement qu’un pellet traditionnel, cela permet au brasseur d’utiliser encore moins de matières premières (et donc réduire les pertes) ainsi que de sublimer les aromatiques sans les flaveurs astringentes ou végétales que l’on peut parfois retrouver dans son houblonnage.

Produit par Yakima Chief – Hopunion, ce nouveau processus a pris d’assaut la scène brassicole en France ces dernières années. En effet, la sublimation des arômes et la réduction de pertes sont des arguments clés pour les brasseurs, particulièrement avec les tendances marquées sur les IPAs, Dry Hopped ou Double Dry Hopped !

Les Extraits

En 1870, la New York Hop Extract Company innove en proposant de l’extrait de houblon. Aussi appelé CO2 Hop Extract, c’est une résine liquide produite par une extraction CO2 du houblon.

Cette extraction se fait grâce à un gaz super critique (gaz liquide sous très haute pression, entre 150 et 300 bars) avant de retirer le solvant. Les composant aromatiques et amérisants du cône sont séparés de la matière végétale pour obtenir un concentré de toutes les huiles essentielles et alphas de la fleur sans la matière végétale encombrante. J. R. Whiting fait breveter ce processus et construit son usine à Waterville, New York, afin de diffuser le produit aux brasseries. Pour ces dernières, travailler l’extrait de houblon permet de réduire encore davantage les pertes d’absorption des houblons en plus de réduire les coûts de stockage et de conditionnement. Plus cher à l’achat, l’extrait est si intense et facile à travailler qu’il devient plus rentable. De plus, l’extrait offre bien plus de stabilité et de maîtrise des arômes et du taux d’IBU. Enfin, ce conditionnement permet une conservation bien plus longue et de qualité du produit.

Méthode critiquée par certains brasseurs initialement, Cilurzo était le premier brasseur craft  à défendre les intérêts de l’extrait et remplace d’ailleurs les pellets par de l’extrait dans sa recette de Pliny the Elder.

Il existe plusieurs types d’extraits disponibles pour les brasseurs.

L’extrait CO2

C’est l’extrait le plus courant, généralement utilisé en amérisant. Il est fait de houblons aux taux d’alpha acides élevés comme le Columbus ou les CTZs, souvent mélangé à d’autres houblons aromatique tels que le Mosaic et le Cascade.

L’extrait pré-isomérisé

L’extrait CO2 doit être chauffé à ébullition pour que les alpha acides s’isomérisent et créent de l’amertume. Or, de nouvelles techniques ont été mises en place pour proposer des extraits pré-isomérisés – ce qui enlève la nécessité de chauffer le brassin pour avoir de l’amertume. Ainsi, les brasseurs ont maintenant clé en main pour houblonner et amériser leur brassin post ébullition. Ceci permet pour certains de rééquilibrer des brassins jugés trop doux ou sucrés.

Innovation

Un houblon Incognito®

L’Incognito® est créé par John I. Haas pour maximiser le potentiel aromatique d’une bière en minimisant les pertes et les coûts de production. C’est un concentré d’essence de houblon liquide (donc un extrait de houblon), permettant de conserver les myrcènes et la lupuline et conçu pour être ajouté au whirlpool afin de conférer à la bière les huiles essentielles du houblon.

Tout comme le cryo, cette technique permet d’apporter autant d’amertume et d’aromatique avec moins de matière et donc de réduire les coûts, cela permet de réduire les pertes de bière habituellement absorbée par les pellets de 25%, ne nécessite aucun outil de production particulier, prend moins de place de stockage et réduit les déchets alimentaires pour une bière plus écologique. Il peut être mélangé à d’autres houblons, en cône ou en pellet.

Utilisé initialement par quelques brasseurs américains (Stone Brewing, New Belgium, Two Beers Brewing…) ce processus se démocratise pour permettre la production d’IPAs bien juteuses.

Source : https://www.simplyhops.fr/

Décliné sur plusieurs variétés (Citra®, Mosaic®, Ekuanot®, Sabro™), il se popularise auprès des brasseurs et s’est petit à petit exporté à travers le monde.

Phillip Chou, directeur des solutions brassicoles à John I. Haas explique :

La production de INCOGNITO est une étape clé pour l’industrie de brassage artisanal qui littéralement ouvre le robinet pour créer les bières parmi les plus excitantes et savoureuses du monde. (…) En résolvant ce qui semblait un problème intraitable, John I. Haas et le groupe Barth-Haas ont une fois de plus souligné leur focus implacable sur l’amélioration des processus et du goût des brasseurs et des consommateurs de bière.

Spécial Dry Hopping avec le HopBurst®

Ces extraits sont conçus spécifiquement pour le houblonnage à cru d’une bière. En effet, ils sont choisis et traités afin de ne conserver aucun acide alpha qui viendrait amériser la bière. Ainsi, ces extraits sont des concentrés d’arômes, se prêtant particulièrement aux houblons néo-zélandais. Utilisés en houblonnage à cru, ils permettent d’augmenter et souligner les arômes de la bière sans modifier l’IBU, sans avoir de résidus et en réduisant les coûts et la perte.


Source : https://nzhopoils.com/

Pour Résumer

FORMESAVANTAGESINCONVENIENTS
CôneArômes naturelsPeut être utilisé en tant que filtre du moût

Privilégié pour le Dry Hopping pour ses huiles qui sont donc intactes
Beaucoup de pertes

Moins de contact direct avec le liquide et donc plus longue extraction et isomérisation

Beaucoup d’espace de stockage

Plus fragiles et susceptibles d’oxydationRendement faible

Moins de contrôle de l’aromatique final (bien que cet aspect soit justement un attrait pour certains brasseurs recherchant les arômes naturels dans leurs brassins)
PelletFond et se dissout ce qui optimise son utilisationLes glandes de lupulines ayant déjà été broyées, le rendement et l’isomérisation sont accélérés

Plus facile à mesurer et maîtriser pour la constance d’un brassin

Moins de perte liquide lors de la filtration
Leur dissolution peut créer un bouchon en bas de la cuve d’ébullition ou de fermentation

Si houblonné à cru trop tôt, certaines cellules de levures mortes peuvent couvrir la poudre, limitant le contact avec le moût

La pulvérisation des cônes peut affecter la qualité aromatique de la glande de lupuline ainsi que la protection des huiles comme l’humulène contre l’oxydation.
ExtraitComposé de 30 à 50% d’acides alphas donc rendement bien plus important (3 à 10% pour un pellet traditionnel)

Facile à stocker et préserver (peut se conserver jusqu’à 8 ans)

Mesure et maîtrise exacte de l’aromatisation et de l’amerisation – amertume d’ailleurs plus douce notée par les brasseurs

Possibilité d’extrait pré-isomériser pour utilisation sans chauffe

Aucune oxydation
Choix limité encore des variétés de houblons
disponibles en cette forme

Tarifs très élevés

Procédé industriel

Difficile à utiliser à froid car ne se dissout pas aussi vite
Synthèse des avantages et inconvénients des différentes formes de houblon

Sources et Pour en savoir plus… :

Acitelli, T., (2013), The Audacity of Hops, Chicago Review Press Inc., Chicago.

Bostwick, W., (2014), The Brewer’s Tale, W. W. Norton & Norton, New York.

Brown, P., (2017), Miracle Brew, Chelsea Green Publishing.

Brown, P., (2009), Hops and Glory, Macmillan, London.

Garrett, O., (2003), The Brewmaster’s Table, Ecco; Reprint edition, HarperCollins Publishers, New York.

Hieronymus, S., (2012), For the Love of Hops, The Practical Guide to Aroma, Bitterness and the Culture of Hops, Brewers Publication,

Hindy, S., (2014), The Craft Beer Revolution, Macmillan, New York.

Lavoisier, (1789), Traité Elémentaire de Chimie, Maxtor France.

Mosher, R. (2004), Radical Brewing: recipes, tales and world-alterating meditations in a glass, Brewers Publications, Division of the Brewers Association, United States of America.

Payen, A., (1825) Mémoire sur le Houblon, Hachette Livre. Payton, J., (2013), Beer O’Clock, An Insider’s Guide to History, Craft & Culture, SkyHorse Publishing, New York.

Poltinari, F., (1989) Manifeste du Slow Food, Paris.

Steele, M., (2012), IPA Brewing Techniques, Recipes and the Evolution of India Pale Ale, Brewers Publications, Boulder, Colorado.

www.homebrewersassociation.org

www.univers-biere.net

https://www.simplyhops.fr/

https://yakimavalleyhops.com/

https://www.hops-comptoir.com/

https://www.prnewswire.com/news-releases/

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