culture houblon, expérimentation variétale

La création de nouvelles variétés de houblons

article écrit en collaboration avec Alexandra Berry

Le houblon offre un univers de possibilités de plus en plus exploitées et améliorées. En effet, avec plus de 300 variétés disponibles sur le marché – moins sous label Bio vous l’aurez remarqué, hum – les brasseur.se.s ont le choix ! Dans un monde où l’innovation semble être une valeur incontournable des marchés, de nouvelles variétés sont pour autant sans cesse développées.

Pourquoi créer de nouvelles variétés ?

Sans développement variétal, nous ne connaîtrions sans doute pas l’amertume fruitée et l’explosion aromatique des IPAS à l’américaine que nous dégustons ces dernières années. Mais le plaisir des papilles n’est pas la seule motivation au développement de nouvelles variétés. La performance se joue dans les champs également où les rendements doivent être au rendez-vous grâce à une résistance accrue aux changements climatiques comme aux maladies, une plus grande adaptabilité au stockage, un taux d’huile plus concentré, des alpha acides plus élevés, etc.  Sans oublier que le houblon est une plante historiquement médicinale avec des vertus thérapeutiques dont les propriétés sont également attendues et perfectibles.


Source :
 https://www.hopsteiner.com/

Bien comprendre le houblon

Le houblon (Humulus lupulus) est une plante à fleurs dont la graine possède deux feuilles embryonnaires. Le houblon fait partie de la famille des dicotylédones, (comme les roses, les pommes, les fraises par exemple) et plus précisément à la famille des Cannabaceae (donc cousin du chanvre et du cannabis). Il existe en réalité trois espèces de houblons : Humulus Yunnanensis, H. Japonicus et H. Lupulus, cette dernière étant l’espèce utilisée en brasserie.

Le houblon est dioïque* : il possède ainsi des fleurs mâles et femelles sur des plantes mâles et des plantes femelles distinctes. Ces fleurs sont les petits cônes de houblons, remplis d’huiles et de riches arômes. Les plants de houblon possèdent dix chromosomes, dont neuf sont des autosomes (chromosomes “normaux”). Le dernier chromosome va déterminer le sexe de la plante. En effet, comme chez l’être humain, le houblon possède des chromosomes X et Y ; la plante avec un chromosome XX sera femelle, et XY mâle. Attention, bien que nous les nommions de façon identique, les chromosomes X et Y des houblons ne seront pas homologues à ceux de l’Homme.

*Les variétés de houblon sauvage sont diploïdes, c’est-à-dire qu’elles possèdent deux jeux de chromosomes, l’un hérité de la mère et l’autre du père. Quelques cultivars commerciaux sont triploïdes, c’est-à-dire qu’ils possèdent trois jeux de chromosomes.


Source :
https://www.staropramen.com/av?url=https://www.staropramen.com/blogs/beerpedia/all-categories/breeding-new-hop-varieties

 

La reproduction des houblons

Dans la nature, le houblon se reproduit sexuellement. Le pollen de la plante mâle – qui porte une copie de chacun de ses dix chromosomes – se pose sur le cône femelle et féconde un ovule. L’ovule porte également une copie des chromosomes. La fusion du pollen et de l’ovule crée un zygote qui contient deux copies de chacun des dix chromosomes.

Ce zygote est encapsulé dans une graine, qui devient une plantule (une plante mâle ou femelle) et le cycle continue. Le houblon produit ensuite un rhizome* qui sont des sortes de tiges de stockage pouvant créer à la fois les racines et les tiges des houblons. Une fois la variété créée, un houblon peut ainsi se propager de manière asexuée par la croissance latérale des rhizomes.

*Souvent disponible pour ceux qui souhaitent planter leur houblon chez eux.

A savoir :

En brasserie, seules les plants femelles sont cultivés car seules celles-ci produisent les cônes concentrant les glandes de lupuline. Celles-ci contiennent les acides alpha et bêta ainsi que les huiles essentielles pour le brassage. Les plants mâles quant à eux, ne possèdent pas de cônes.

Les plants de houblons poussent donc chaque printemps à partir de ces rhizomes qui au moment de la plantation sont de la taille d’un doigt de la main. La première série de lianes est coupée chaque printemps, et la deuxième série qui en émerge est attachée à des fils de treillis (voir l’article sur la culture du houblon).

Il faut compter généralement trois ans pour qu’un nouveau clone de houblon puisse produire une récolte suffisante et de qualité. Il se forme au niveau du rhizome souterrain un grand enchevêtrement appelé une couronne. Ces couronnes peuvent être réutilisées pour créer de nouveaux plants de houblons.


Exemple de rhizome
Source : https://lameute.beer/produit/plan-de-houblon-en-pot/

Les étapes pour créer une nouvelle variété brassicole

Créer la nouvelle plante

Une nouvelle variété de houblon brassicole est issue d’une fusion entre une plante de houblon femelle (souvent une variété brassicole déjà connue) et d’une plante mâle qui représente une caractéristique souhaitée (taux d’alpha acide, HSI élevé*, rendement favorable…). Lorsque les fleurs femelles naissent, elles sont ensachées pour bloquer le pollen en suspension dans l’air. Le pollen des fleurs mâles est appliqué sur ces fleurs femelles pour entraîner la production de nouvelles graines. Celles-ci sont ensuite plantées dans des serres pour germer.

*capacité de préservation et de stockage.


Source : https://www.beervanablog.com/beervana/2022/6/23/reprise-how-a-hop-earns-its-name

Un peu de science :

Les plants de houblon présentent un niveau élevé d’hétérozygotie qui mesure la variance génétique. Les organismes diploïdes possèdent deux copies de chaque gène. Chacune de ces copies est appelée allèle. Si un organisme possède deux allèles différents pour un gène, il est hétérozygote pour ce gène. Si l’organisme possède deux allèles identiques à ce locus, il est homozygote.

Le houblon est hétérozygote dans la mesure où chaque graine contient un nouveau mélange d’allèles. Et, bien que tous les plants soient manifestement du même houblon, chacun d’eux est une variété unique de ce houblon. Ainsi, si l’on croise une femelle Cascade avec un mâle (même avec du matériel génétique de Cascade) aucune des graines ne donnerait une plante Cascade.

Evaluation des plants

La première année, ces plants sont cultivés en serres. Tous ceux représentant des défauts agronomiques sont mis de côté et ceux qui sont préservés sont alors déplacés à l’extérieur. Il faut attendre deux ans de croissance en plein air pour évaluer leur rendement, leur résistance aux maladie… On évalue alors également le potentiel brassicole : acide alpha, composition d’huiles etc.


Source : https://www.beervanablog.com/beervana/2022/6/23/reprise-how-a-hop-earns-its-name

Évaluation des clones

Les rhizomes des plantes validées sont décomposés pour produire entre 15 et 30 clones. Lorsque que chacun arrive à maturité, il est de nouveau évalué pour s’assurer que la performance de la plantule s’applique en toute circonstance et que chaque plant présente ainsi les mêmes caractéristiques. L’analyse de ces propriétés et faite en continu et les plantules donnant de bons résultats sont ensuite cultivées sur des parcelles de plus en plus grandes.


Source : https://www.beervanablog.com/beervana/2022/6/23/reprise-how-a-hop-earns-its-name

Essais à l’échelle commerciale

Arrivés à l’étape finale, certains cultivars sont enfin plantés sur une parcelle d’environ deux hectares. La parcelle doit pouvoir produire suffisamment de houblons pour couvrir le fond d’un four de séchage de houblon. Le producteur passe donc par la cueillette, la séparation des cônes, le séchage et l’emballage pour voir si le houblon est compatible avec les machines et conditionnements d’échelle commerciale. Il peut d’ores et déjà faire des tests de brassage. Si tout est validé, le producteur décide alors s’il souhaite commercialiser ce cultivar*.

*à noter : pour se distinguer sur un marché saturé de nouveaux tests et variétés de houblons, chaque cultivar doit présenter des caractéristiques distinctes, le faisant ressortir d’un catalogue. Cela peut se jouer sur les arômes, le rendement, le taux d’alpha, la capacité de stockage etc.

 


Source : https://www.gardeningknowhow.com/edible/vegetables/hops/plant-spacing-for-hops.htm

Un houblon expérimental

L’exemple le plus connu de création de variété sera la Hop Breeding Company, une société travaillant à la fois avec Yakima Chief Ranches et Barth Haas*, qui produit les houblons expérimentaux connus sous le nom de HBC (les initiales de l’entreprise, suivi d’un numéro de test batch). Par exemple, le Citra était à l’origine le HBC 394, le Sabro le HBC 438 ou le Mosaic le HBC 369… D’où l’intérêt de mettre en avant les houblons expérimentaux utilisés sur certaines bières, ils peuvent devenir des stars 😉 !

*Jason Perrault de Yakima Chief et Michael Ferguson de Barth Haas sont les deux cultivateurs de houblons qui chapeautent de près ce programme.

Lorsque le houblon commence à être commercialisé sous le nom de HBC, cela implique que sa culture a bien été validée et exploitée sous forme commerciale, mais qu’elle est encore en phase expérimentale sur le marché brassicole. En effet, arrivé à ce stade, il faut valider l’intérêt des houblons auprès de l’industrie brassicole et leur capacité de tenue à travers le temps. La variété obtiendra son nom d’usage au bout de quelques années de commercialisation, lorsque son intérêt et ses particularités auront été testées et approuvées sur le terrain.

Ainsi, entre la production d’un plant initial et sa commercialisation, il peut bien s’écouler une décennie et chaque clone d’un plant peut atteindre les dizaines de milliers…..

Il faut savoir que pour chaque nouvelle variété commercialisée, des centaines de semi hybrides n’ont pas été sélectionnés.


                                                          Source : https://beerandbrewing.com/terpenes-brewing-with-the-essence-of-hops/

La prochaine fois que vous dégusterez une pinte de votre IPA avec un nouveau houblon, vous saurez qu’il aura fallu des années de tests, de rejets et d’amélioration pour obtenir ce résultat aromatique !

SOURCES

https://beerandbrewing.com/dictionary/zIlgUHefML/

http://www.bruharoo.com/creating-new-hop-varieties-take-time/ 

https://www.beervanablog.com/beervana/2022/6/23/reprise-how-a-hop-earns-its-name

https://www.brewersassociation.org/programs/hop-breeding-program/

https://beerandbrewing.com/dictionary/zIlgUHefML/

Hieronymus, S., (2012), For the Love of Hops, The Practical Guide to Aroma, Bitterness and the Culture of Hops, Brewers Publications.

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